juillet 2018

#Media - La France à nouveau empêtrée dans les contentieux fiscaux européens

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La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a invalidé partiellement la CSPE, une contribution prélevée sur les consommateurs d’électricité – Les Echos, 26/07/2018.

Alors que le contentieux sur la taxe à 3 % sur les dividendes est à peine soldé, la France vient de subir une nouvelle condamnation au niveau européen qui pourrait coûter cher au budget de l’Etat. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a invalidé partiellement cette semaine la CSPE (contribution au service public de l’électricité), prélevée sur les consommateurs d’électricité pour compenser, pour les producteurs, le surcoût lié à leurs obligations de service public (tarifs sociaux, financement des énergies renouvelables, etc.).

Plus précisément, c’est l’ancienne version de la CSPE qui a été condamnée, avant que la France ne réforme cette contribution en 2015, justement pour la mettre en conformité avec le droit européen.

Nouveau front de réclamations

Cette décision, qui doit être prochainement confirmée par le Conseil d’Etat, ouvre un nouveau front de réclamations. Selon une mission d’information à l’Assemblée nationale, 55.000 réclamations auraient été déposées à la Commission de régulation de l’énergie, et près de 14.000 recours contentieux seraient pendants devant les juridictions administratives. Ce contentieux aurait donné lieu à une provision de 1,25 milliard d’euros dans les comptes de l’Etat de l’année 2017.

A la différence de la taxe à 3 %, les contribuables ne pourront pas demander une restitution de la totalité de leur créance. La Cour européenne a invalidé la CSPE sur les années postérieures à 2009 et jusqu’à sa réforme en 2015. Seule la partie considérée comme étant « à finalité non spécifique », autrement dit celle qui finance les tarifs sociaux mais pas les énergies renouvelables, a été censurée.

Sur la CSPE acquittée entre 2009 et 2015, cela représente de 30 % à 40 % des recettes », indique Sarah Espasa-Mattei, l’avocate qui a initié le contentieux.

Si cette affaire n’est pas de même ampleur que celle de la contribution de 3 %, elle réveille les souvenirs douloureux de l’automne dernier, où Bercy a dû trouver en urgence 10 milliards d’euros juste après avoir ficelé le projet de loi de finances. A tel point que la commission des Finances, dans le cadre d’une mission présidée par Véronique Louwagie (LR), devrait faire des propositions d’ici à septembre pour éviter un nouveau fiasco . « On pouvait penser que la taxe à 3 % était un point isolé, mais ce n’est pas le cas. Les ministères sont en train de prendre conscience qu’il faut mieux apprécier le risque budgétaire », estime-t-elle.

Certaines affaires, comme Stéria ou la CSG des non-résidents , ont été soldées. D’autres constituent toujours une menace pour le budget de l’Etat. C’est le cas du précompte mobilier, pour lequel le risque budgétaire est estimé à 5 milliards d’euros. Ce dispositif, supprimé en 2005, a donné lieu à une interminable bataille contentieuse.

Modalités de remboursement

L’avocat général de la CJUE vient de rendre des conclusions qui pourraient relancer les réclamations du côté des entreprises. La Cour a été saisie par la Commission européenne au sujet d’une décision du Conseil d’Etat de 2012 sur les modalités de remboursement. Cet arrêt avait limité l’ampleur des remboursements, jusqu’ici de seulement 870 millions d’euros.

Or, la CJUE pourrait donner en partie raison aux entreprises qui avaient porté plainte devant la Commission européenne. « L’avocat général valide l’approche du Conseil d’Etat sur les justificatifs et sur les modalités de calcul. En revanche, il considère que les sociétés françaises sont en droit d’imputer sur le précompte dû l’imposition subie par les sous-filiales établies dans les autres Etats membres », décrypte Roland Schneider, associé du cabinet Arsene. C’est la première fois en France que la Commission européenne attaque une juridiction suprême comme le Conseil d’Etat.

Par Ingrid Feuerstein.