octobre 2019

#Media - Les pièges du futur régime d'imposition des dirigeants

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L’application juridique de grands principes recèle parfois de nombreux dangers. Il en va ainsi d’une promesse du chef de l’État. En pleine crise des « gilets jaunes », Emmanuel Macron avait lâché, martial, que « le dirigeant d’une entreprise française (devait) payer ses impôts en France ».

La traduction juridique de l’injonction présidentielle figure dans le projet de budget pour 2020: « Les dirigeants des entreprises dont le siège est situé en France et qui y réalisent un chiffre d’affaires annuel supérieur à 1 milliard d’euros sont considérés comme exerçant en France leur activité professionnelle à titre principal. » PDG, gérants, membres du directoire et «autres dirigeants ayant des fonctions analogues» seront donc soumis à l’impôt français sur leurs biens et revenus mondiaux.

« L’essentiel des dirigeants des grandes entreprises françaises sont normalement déjà aujourd’hui domiciliés fiscalement en France », temporise toutefois le gouvernement dans le projet d’étude d’impact que Le Figaro s’est procuré. De plus, les conventions fiscales viendront annuler les effets de ce texte pour les dirigeants de grandes entreprises françaises habitant à l’étranger pour ce qui concerne l’impôt sur le revenu. Cette nouvelle disposition, qui s’appliquerait à compter des revenus 2019 des dirigeants, n’en inquiète pas moins les fiscalistes. « Ce projet d’article risque de soumettre les investisseurs étrangers présents dans les instances des grandes entreprises françaises aux droits de succession ou à l’IFI sur l’ensemble de leurs biens – dans la mesure où les conventions fiscales avec leur pays d’origine ne prévoient en règle générale rien en la matière, à la différence de l’impôt sur le revenu, relève Nicolas Jacquot, avocat associé au cabinet Arsene. Cela envoie un message contraire à l’attractivité. »

Ce projet d’article risque également de provoquer des inégalités de traitement.

Cibler les dirigeants à l’aune du chiffre d’affaires de leur entreprise pourrait paraître arbitraire au juge constitutionnel, estime Pascal Gour, avocat chez Jeausserand Audouard.

D’autres, comme Sophie Borenstein, chez KGA Avocats, s’interrogent sur le fait que ces grands dirigeants ne puissent pas bénéficier de l’intéressant régime des impatriés. Ce qui, là encore, créerait une rupture de l’égalité devant l’impôt.