juin 2020

#Opinion - De la crise à la reprise, les chefs d’entreprise au cœur du dispositif

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Par son ampleur et ses répercussions, la pandémie de Covid-19 constitue incontestablement un tournant pour notre société. Au cours de ces derniers mois, les soignants et autres professionnels de notre quotidien ont assuré avec efficacité le service de nos besoins de première nécessité. Dans la phase de rebond qui s’ouvre désormais, la France attend beaucoup des chefs d’entreprise, acteurs majeurs de l’économie française, qui ont prouvé à maintes reprises qu’ils savaient faire preuve de pragmatisme et de réactivité lors de situations délicates. Nul doute qu’ils déploieront toute leur énergie pour pérenniser leur entreprise et s’engager avec vigueur pour le bien commun. Toutefois, pour que leur action soit totalement efficace, l’écoute et le soutien des décideurs politiques devront être à la hauteur du défi que notre pays va devoir relever. Par Pascal Gour.

La première responsabilité des dirigeants est bien évidemment de préserver leur entreprise mais aussi son écosystème. Et les enjeux sont nombreux. Au-delà des mesures sanitaires à mettre en place pour permettre aux salariés de (re)travailler dans des conditions de sécurité optimales, les dirigeants devront rassurer leurs équipes et leurs transmettre l’énergie nécessaire à l’atteinte des objectifs de l’entreprise. Cela pourra être l’occasion de proposer aux collaborateurs de s’engager plus avant dans le projet entrepreneurial du groupe en y investissant aux côtés du chef d’entreprise pour ceux qui en ont les moyens, et en mettant en place des outils d’actionnariat salariés adaptés pour les autres.

De même, la préservation des fournisseurs, notamment par une saine gestion des délais de paiement, ainsi que de la relation clients, par une attention accrue à leurs besoins et une agilité certaine, seront indispensables au passage de cette période critique.

Enfin, la gestion de la relation avec les financeurs du groupe, actionnaires et banquiers, ne devra pas être oubliée : une explication claire et argumentée des options prises par le management et des perspectives d’activité du groupe sera de nature à les rassurer et à éviter des tensions inutiles en cette période où toutes les énergies doivent être dédiées au développement de l’entreprise.

Une leçon d’humilité

En tout état de cause, cette crise inattendue et aux conséquences peu prévisibles, est une véritable leçon d’humilité pour tous les dirigeants. Elle doit les inciter à intégrer de nouvelles modalités de gestion du risque dans le management de leur société (que couvrent vraiment les assurances du groupe ? quels plans d’action en cas de survenance de telle ou telle catastrophe ? etc.) et à porter un autre regard sur les priorités de l’entreprise et sur ses futurs investissements (constitution de réserves vs. distribution massive de dividendes, flexibilité des contrats du groupe, privilégier les fournisseurs locaux, etc).

À ces responsabilités « directes » s’ajoutent des responsabilités « indirectes », celles à l’égard de la société dans son ensemble. Être chef d’entreprise n’est pas un « métier » comme un autre. C’est un sacerdoce qui requiert une conscience accrue de l’intérêt collectif. Et les dirigeants ne nous ont pas déçus pendant cette période de crise. De nombreuses entreprises ont assuré la production et le don de matériels de première nécessité, ou mis leurs compétences et technologies au service des hôpitaux et des soignants. Certains chefs d’entreprise se sont également inscrits dans des démarches philanthropiques et solidaires à titre personnel. Ils ont eu à cœur de participer à l’effort collectif au-delà de leur simple rôle d’acteur économique. Un engagement qui est d’ailleurs l’occasion de partager un projet commun avec leurs équipes, souvent en attente d’actions à soutenir.

Privilégier l’action entrepreneuriale solidaire

Comment, concrètement, mettre son savoir-faire ou celui de son entreprise au service des Français ? A qui s’adresser  ? Quelle relation nouer avec les médias et les pouvoirs publics ? Il appartient à ces derniers d’encourager les entreprises à aider la société et de mettre à la disposition des acteurs économiques les moyens de cette ambition commune. Divers dispositifs existent déjà et peuvent être utilisés par les chefs d’entreprise pour mettre en œuvre leurs engagements sociétaux. Citons, par exemple, le mécénat, privé ou d’entreprise, ou encore les fonds de dotation… Toutefois, en ces temps exceptionnels, certaines mesures seraient les bienvenues afin de mettre davantage ces dispositifs en avant, les renforcer, simplifier les démarches et encourager les dirigeants à investir davantage cette voie de l’action entrepreneuriale solidaire. Les aspects législatifs, juridiques et fiscaux de ces dispositifs pourraient être plus incitatifs, avec un assouplissement des limites en termes d’enveloppe, par exemple.

Dans cette perspective, les modalités de dialogue entre les chefs d’entreprise et les pouvoirs publics devront certainement être refondées. Les associations et réseaux professionnels – comme CroissancePlus, France Digitale, le METI ou le MEDEF pour ne citer qu’eux – doivent continuer à faire entendre leur voix et celles de leurs adhérents. Il serait sans doute également opportun de réfléchir à des modes de consultation plus directs, plus rapides et plus souples qui mettraient de côté toutes considérations bureaucratiques ou politiciennes. Le « Grand Débat » a montré combien l’exercice du dialogue entre les gouvernants et les citoyens peut être vain lorsqu’il est asymétrique et mal préparé. Concernant les sujets économiques, ne vaudrait-il pas mieux identifier des chefs d’entreprises talentueux, par expertise sectorielle ou technique, des « conseillers spéciaux » qui formuleraient des recommandations concrètes et directement applicables pour faire sauter les verrous qui freinent la croissance française, et les solliciter de façon informelle sur des points pratiques ?

De la capacité de résilience et d’initiative des chefs d’entreprise et de leurs équipes dépend, en grande partie, l’aptitude de la France à sortir grandie de la crise que nous traversons. Il revient aux pouvoirs publics de bien analyser notre nouvel environnement et de hiérarchiser efficacement les besoins du pays. La France a la chance d’avoir en son sein ce qu’il se fait de mieux en matière entrepreneuriale : qu’ils deviennent des alliés du pouvoir dans l’arbitrage des décisions stratégiques pour la France en cette phase de rebond.