Pourquoi réaliser une opération de build-up ?
Comme l’explique Patrick Maurel (Natixis Partners), dans un contexte économique où la croissance organique peut s’avérer limitée ou stagnante, les stratégies de build-up se présentent comme des alternatives privilégiées pour stimuler l’expansion des entreprises. En effet, ces opérations sont particulièrement efficaces pour consolider des marchés hautement fragmentés, où la multitude de petits à moyens acteurs offre une opportunité de création de valeur à travers la consolidation. Quelques exemples :
- Dans des secteurs soumis à des réglementations de plus en plus strictes—comme par exemple celui de la biologie médicale, où l’évolution des normes peut augmenter significativement les coûts—les build-ups permettent de partager les charges et de mutualiser les ressources, facilitant ainsi la conformité et l’efficacité opérationnelle.
- Le build-up permet aussi une expansion géographique rapide et efficace, en évitant les risques et les investissements initiaux lourds associés à la création de nouvelles infrastructures (greenfield). En rachetant des sociétés établies dans de nouvelles régions, les entreprises peuvent immédiatement accéder à des marchés locaux, bénéficiant de la clientèle, des installations, et souvent de la réputation locale des entités acquises. Cela élimine des barrières à l’entrée habituellement rencontrées et accélère la courbe de croissance.
- C’est également un très bon moyen de diversifier et de compléter la chaîne de valeur d’une entreprise. En intégrant des activités complémentaires, les entreprises peuvent offrir un portefeuille de services ou de produits plus complet, augmentant ainsi leur compétitivité et leur attractivité sur le marché. Cela conduit non seulement à une meilleure satisfaction client, mais aussi à une augmentation significative de la valeur pour les actionnaires, en générant des synergies opérationnelles et financières qui se traduisent par une amélioration de la rentabilité globale.
Patrick Maurel a également insisté sur l’environnement économique de ces dernières années, marqué par des événements géopolitiques significatifs, qui affecte l’économie globale et le climat des affaires. Cela a eu pour conséquence de freiner les investissements directs et de ralentir les mouvements de fusion-acquisition. À ce titre, le ralentissement économique observé en 2023 a rendu la croissance organique encore plus ardue pour de nombreuses entreprises.
Face à ces obstacles, les stratégies de build-up deviennent d’autant plus précieuses et s’imposent comme une stratégie de croissance particulièrement pertinente.
Quelles sont les clés du succès d’un build-up ?
Antoine Dufrane (Jeausserand Audouard) a rappelé que le succès d’un build-up dépend de nombreux facteurs interdépendants. Bien qu’il soit difficile de les énumérer tous de manière exhaustive, certains paramètres clés se démarquent par leur impact significatif sur l’issue des opérations :
Intégration et rôle de l’humain
Il a d’abord été rappelé aux dirigeants qu’en tant qu’acquéreur potentiel, ils étaient les premiers acteurs concernés. En effet, les dirigeants de la société mère jouent un rôle central dans le succès d’une opération de build-up. Leur expérience en matière de M&A est indispensable pour identifier les cibles appropriées et intégrer efficacement les nouvelles équipes. Leur capacité à gérer et à harmoniser les différentes cultures d’entreprise est souvent déterminante dans la réussite de l’intégration post-acquisition.
La gestion de ces différences culturelles et opérationnelles demande une planification soignée et une mise en œuvre stratégique pour garantir une transition fluide et efficace. Une compatibilité solide entre les deux entreprises est cruciale pour minimiser les frictions internes et maximiser les synergies opérationnelles et stratégiques.
La réussite de l’intégration repose également sur une bonne communication comme l’a précisé Florian Pascaud (Coruscans). Cela permet de naviguer à travers les complexités des dynamiques de groupe, de provoquer la fusion des équipes et de faire que toutes les parties prenantes soient motivées et engagées vers un objectif commun. L’approche doit être inclusive, encourageant une participation active de tous les niveaux de l’organisation pour bâtir un sentiment d’appartenance et renforcer l’engagement des collaborateurs.
Financement
Jérémie Jeausserand (Jeausserand Audouard) a insisté sur l’importance du financement des opérations de build-up sous LBO. Pour financer ces acquisitions stratégiques, les entreprises ont généralement recours à une combinaison de ressources :
Cash disponible : Utilisation des liquidités en réserve, y compris celles issues d’apports initiaux réalisés par les fonds d’investissement lors de l’entrée en LBO. Ce mode de financement permet d’éviter l’accroissement de l’endettement et offre une plus grande flexibilité dans la gestion des opérations.
Financement bancaire : Les lignes de crédit existantes peuvent être renégociées ou de nouvelles lignes peuvent être établies. Ce financement externe est souvent nécessaire pour compléter les ressources internes, surtout lors de grandes acquisitions qui dépassent les capacités de financement interne.
Nouveaux apports en capitaux : La sollicitation des actionnaires existants pour de nouveaux apports est une pratique courante. Dans le cadre d’un LBO, cela pose la question de l’éventuel impact de ces nouveaux apports sur le management package et implique parfois une renégociation des accords signés avec le fonds d’investissement.
Chaque option de financement doit être soigneusement évaluée pour son impact potentiel sur la structure financière de l’entreprise, avec une attention particulière aux implications fiscales et juridiques. Une planification rigoureuse en amont est essentielle, non seulement pour assurer la disponibilité des ressources nécessaires au moment opportun, mais aussi pour optimiser la structure du capital en vue de maximiser la création de valeur à long terme.
Intéressement
Antoine Dufrane (Jeausserand Audouard) a rappelé que la réussite d’un build-up est fortement influencée par l’implication et la motivation des dirigeants des entreprises ciblées. Pour assurer leur engagement dans le succès de l’opération, il est crucial de les intégrer dans les schémas d’intéressement, soit par l’intégration de la société mère au management package, soit par une participation au capital de leur propre entité. Chacune de ces stratégies présente des avantages distincts mais également des implications spécifiques en termes de planification et de structure.
- Intégration au management package de la société mère : Cette approche aligne les intérêts des dirigeants avec ceux de l’ensemble du groupe, motivant les managers à contribuer à la réussite globale plutôt qu’à celle de leur seule entité. Cela facilite également les processus de débouclage et simplifie la structure juridique du groupe. Cependant, cette intégration nécessite une planification préalable minutieuse, car elle implique la mise en place d’une réserve d’instruments d’intéressement suffisamment importante, qui doit être négociée avec les fonds d’investissement dès le départ. La réussite future des build-ups et, par extension, du groupe, peut dépendre de la capacité à attirer et à retenir des talents clés grâce à ces instruments.
- Participation au capital de l’entité initiale : Permettre aux fondateurs et managers de rester actionnaires de leur entité peut les motiver à améliorer directement les performances de leur périmètre opérationnel. Cette motivation « locale » peut favoriser une transition en douceur et maintenir un engagement élevé. Néanmoins, cette option peut aussi compliquer la structure d’actionnariat et rendre plus ardu le processus de sortie, du fait des multiples niveaux d’actionnariat qui peuvent exister.
Dans tous les cas, la mise en œuvre de ces stratégies requiert une anticipation rigoureuse. Les instruments d’intéressement doivent être disponibles sous forme de réserves ou de nouveaux instruments doivent être émis, ce qui implique des négociations préalables avec les investisseurs et une provision suffisante dans les accords de financement initial.
De plus, l’aspect juridique et fiscal de ces arrangements ne doit pas être sous-estimé. Les conditions spécifiques telles que la résidence fiscale des intéressés, l’investissement à titre personnel ou via une structure holding, et les règles régissant l’octroi d’instruments gratuits sont des paramètres critiques à considérer. Chaque choix a des implications fiscales et juridiques qui doivent être minutieusement analysées pour éviter des complications ultérieures.
Etre bien accompagné
Le partenariat stratégique entre l’entreprise acquéreuse, ses fonds d’investissement, et ses conseillers, notamment les avocats et les conseils financiers, est essentiel au succès des opérations de build-up. Ils apportent bien plus que leur expertise dans la négociation et la structuration des accords ; ils jouent un rôle crucial dans la planification stratégique et l’intégration post-acquisition. Leur intervention assure non seulement la fluidité du processus d’acquisition, mais garantit également que les transitions se déroulent de manière optimale, alignant les intérêts de toutes les parties concernées et maximisant les synergies potentielles entre les entités combinées.
La sélection des fonds d’investissement représente une décision stratégique majeure pour les dirigeants d’entreprise, nécessitant une évaluation rigoureuse non seulement de la capacité financière des fonds mais aussi de leur aptitude à soutenir efficacement les opérations. Cette évaluation inclut l’examen de leur expertise sectorielle ou géographique, qui peut être cruciale pour le succès des initiatives de croissance externe. L’aspect humain reste au cœur de la réussite des build-ups, mettant en relief l’importance d’une planification minutieuse, de l’anticipation des défis comme les problématiques antitrust, et de l’adaptabilité face aux dynamiques économiques changeantes.