avril 2016

#Chronique CroissancePlus - La cession d’entreprise, un choix complexe pour l’entrepreneur

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Jérémie Jeausserand, membre du comité directeur de CroissancePlus, revient sur le processus de cession d’entreprise dans le magazine du réseau d’entrepreneurs.

Conseils pour réaliser sereinement une opération de cession

La cession de l’entreprise est une décision difficile à prendre pour l’entrepreneur. Une fois le pas franchi, il est primordial de ne rien oublier dans le processus qui aboutira à la vente de l’entreprise et au désengagement total de l’entrepreneur[1] afin que l’opération soit un succès. 

Le premier réflexe à avoir lorsque l’on réfléchit à la cession de son entreprise est d’analyser son organisation patrimoniale, à la lumière de ses projets personnels et familiaux. En effet, bien vendre son entreprise est une chose. En conserver la plus grosse partie du prix, pour soi et pour sa famille, en est une autre, le fisc voulant, lui aussi, sa part du gâteau. Pour rappel, les plus-values sur actions sont soumises aux prélèvements sociaux au taux de 15,5 %, et imposées au barème de l’impôt sur le revenu avec abattement pour durée de détention, abattements qui varient selon que l’on est, ou non, considéré comme entrepreneur par le fisc. Or, ce régime, mis en place à la hâte à la suite de la crise des « pigeons », est particulièrement complexe. Et force est de constater que, dans les faits, n’est pas toujours entrepreneur celui qui pense l’être.

Réorganiser la détention de son entreprise

Anticiper les conséquences fiscales de la cession et réorganiser la détention de l’entreprise peut ainsi permettre d’augmenter significativement le net en poche pour l’entrepreneur et sa famille. Ainsi, en s’organisant suffisamment à l’avance, il est possible d’envisager l’apport à une société holding, ce qui permet de loger le produit de cession dans un véhicule d’investissement et de bénéficier d’une fiscalité attrayante (4 % de la plus-value post apport). Alternativement, des opérations d’apport-cession avec réinvestissement, ou de donation-cession aux enfants et au conjoint peuvent s’avérer utiles, à condition toutefois d’être mises en œuvre avec précaution.

Choisir des conseils adaptés

Se faire conseiller et accompagner par les bonnes personnes est indispensable. En effet, de nombreux acheteurs professionnels, tels que les fonds d’investissement ou les départements fusions-acquisitions des grands groupes maîtrisent parfaitement ces sujets, tandis que l’entrepreneur, lui, n’est en général confronté à la cession de son entreprise qu’une fois au cours de sa carrière. En outre, l’entrepreneur et ses équipes doivent continuer à développer l’entreprise pendant le processus de vente, ce qui laisse souvent très peu de temps pour gérer la cession.

L’équipe idéale rassemble trois experts différents : l’avocat qui gérera les aspects juridiques et fiscaux de l’opération et de la négociation avec l’acheteur ; le banquier d’affaires qui conseillera l’entrepreneur sur les aspects financiers de la vente et de la négociation, et ce après avoir éventuellement identifié les meilleurs acquéreurs potentiels ; enfin le notaire qui accompagnera l’entrepreneur dans la réorganisation de son patrimoine post cession.

Ces trois experts travailleront ainsi en collaboration pour faire en sorte que la cession se réalise dans les meilleures conditions possibles pour l’entrepreneur, mais également pour l’entreprise et ses salariés. Pour l’entrepreneur, cela signifie que le prix correspond à ses attentes, et que les autres conditions de l’opération sont satisfaisantes, qu’il s’agisse des garanties demandées (dont le montant doit être limité et l’étendue raisonnable), des modalités de paiement (l’octroi d’un crédit-vendeur par exemple) qui ne doivent pas impliquer des délais trop longs afin d’en gérer les conséquences fiscales, ou des obligations d’accompagnement ou de non-concurrence qui seront requises par l’acquéreur. Le complément de prix est un bon exemple de négociation à gérer au mieux. S’il s’agit souvent d’un moyen pour concilier les attentes du vendeur avec les limites de l’acquéreur, son maniement, tant contractuel que fiscal, peut être délicat et ne doit pas être négligé.

Protéger ses collaborateurs

Souvent, l’entrepreneur qui cède son entreprise souhaite que la cession puisse profiter à ses collaborateurs, vecteurs clés de la prospérité et de la pérennité de l’entreprise, en limitant le risque que celle-ci soit mise en péril par l’acquisition. Un des moyens est de permettre aux salariés de devenir actionnaires, par exemple en mettant en place, pré ou post-cession en fonction des contraintes fiscales et sociales notamment, un plan d’actionnariat salarié, qu’il s’agisse de BSPCE ou d’actions gratuites[2].

Dernier sujet et non des moindres en cette période de volatilité des marchés boursiers et de faibles taux d’intérêt : que faire des liquidités ainsi dégagées et comment organiser son patrimoine afin notamment de gérer un impôt souvent nouveau pour l’entrepreneur, l’ISF ? Outre l’expatriation[3], la seule stratégie disponible est souvent de plafonner ses impôts en limitant au maximum ses revenus. Cela nécessitera, pour l’entrepreneur en question, une organisation spécifique du patrimoine de la famille, qu’il faudra gérer de concert avec la banque privée, le notaire et l’avocat.

Reste ensuite à déterminer comment l’entrepreneur organisera ses journées une fois la vente finalisée… Mais là, nous sortons de notre domaine de compétences !

[1] Il s’agit ici de la cession totale ou quasi-totale de l’entreprise, contrairement au cas de l’OBO étudié à l’occasion de notre chronique dans le numéro 1 du magazine.
[2] Voir notre chronique dans le numéro 2 du magazine.
[3] Voir notre chronique dans le numéro 3 du magazine.