novembre 2012

#Opinion - Fiscalité du capital, et si l'on se remettait dans le bon sens ?

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La fiscalité est au cœur de l’actualité. Elle cristallise de forts enjeux politiques et nourrit les fantasmes. Considérons cette polémique comme une opportunité pour mettre en place un système fiscal plus efficace. Par Olivier Duha et Jérémie Jeausserand.

Indépendamment du niveau de pression fiscale, lequel doit rester acceptable faute de quoi l’impôt n’est plus recouvré, la qualité d’un système fiscal s’apprécie dans sa capacité à provoquer des comportements économiques créateurs de valeur : favoriser la croissance, l’emploi, l’investissement dans les secteurs d’avenir… Et dans ce domaine, le système fiscal français est monté à l’envers !

La France dispose d’une richesse : l’épargne. Quelque 5.000 milliards d’euros, 2 fois et demie notre PIB. Nos grands-parents la stockaient dans leurs bas de laine. Aujourd’hui, cette richesse dort dans de l’immobilier résidentiel, des livrets, des contrats d’assurance-vie, mais ne s’investit pas dans nos entreprises. Pourquoi ? Parce que depuis plusieurs années, et à l’opposé de tous les pays développés, la France a mis en place une fiscalité incitant aux placements sans risques et décourageant l’investissement risqué, pourtant si nécessaire.

Quelques exemples chiffrés (1) suffisent à comprendre l’incohérence du système actuel : comment placer son argent pour payer peu d’impôt sur les revenus issus de ces placements ? Investissements immobiliers (exonération des plus-values après 30 ans de détention), Livret A (exonération des intérêts), assurance-vie (23 % après abattements après 8 ans), or (8 % du prix de cession) et oeuvres d’art (5 % du prix de cession), etc. Point commun de ces placements : être peu risqués et jouer un rôle très limité dans la construction de notre économie.

Quel est le taux d’imposition des plus-values réalisées par une personne ayant investi à risque dans une entreprise ? ça se complique. Avant le projet de loi de Finances pour 2013, 34,5 %. Quid si le projet de loi de Finances est adopté en l’état ? Pour les cessions intervenues en 2012, 39,5 % (soit une augmentation rétroactive de 15 %) ou, sous réserve de respecter des conditions d’exposition au capital, 34,5 %. Pour les cessions à partir de 2013, imposition à un taux effectif compris entre 42,5 % (du fait d’abattements pour durée de détention inadaptés à l’économie de croissance) et 60,5 % et toujours le taux de 34,5 % conditionné.

Conséquence de ce système d’une incroyable complexité : le rendement potentiel de l’investissement risqué est obéré par une fiscalité démesurée, avant même d’avoir été réalisé !

Changeons cela. Mais comment ? Comment inciter à l’investissement dans la recherche, l’innovation et le financement des entreprises et diriger l’épargne des Français dans ces placements à (hauts) risques ? Tout simplement en faisant en sorte que la rémunération du risque soit à la hauteur de ce qu’elle doit être. « High risk/high return, low risk/low return », un des fondamentaux de l’économie de marché. Cela va sans dire, mais apparemment, il n’est pas inutile de le rappeler : sans rémunération adéquate du risque, il n’y a plus de prise de risques et, sans prise de risques, il n’y pas d’économie, pas de croissance et pas de création d’emplois ! Dernière précision : la rémunération prise en compte par un agent économique est la rémunération nette, donc après impôt. CQFD.

Le gouvernement nous dit vouloir combattre la rente et la spéculation et favoriser le risque et la création. Mais notre système fiscal incite à faire tout le contraire.

(1) Incluant les prélèvements sociaux mais hors contribution sur les revenus